Actualités - Droit social
Vers l'intégration des contrats uniques d'insertion dans l'effectif pour la représentation du personnel
01/09/2018
La loi Avenir professionnel va imposer la prise en compte des salariés en contrat unique d’insertion dans le calcul de l’effectif en matière de représentation du personnel. Le but est de mettre le droit français en conformité avec le droit européen. Mais l’objectif n’est peut-être pas totalement atteint.
Pour vérifier si l’entreprise doit mettre en place une représentation du personnel et atteint l’effectif requis (au moins 11 salariés pour la mise en place du comité social et économique), l’employeur doit appliquer les modalités de décompte fixées par le code du travail (c. trav. art. L. 1111-2, L. 1251-54 et L. 2311-2).
Certaines catégories de salariés sont par dérogation exclues de ce calcul. Il en est ainsi des apprentis et autres titulaires de contrats aidés que l’employeur n’a pas à comptabiliser pour calculer l’effectif de l’entreprise (c. trav. art. L. 1111-3).
La loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » va changer la donne en la matière. En effet, l’employeur devra, à l’avenir, comptabiliser les salariés en contrat unique d’insertion (CUI) dans les effectifs de l’entreprise pour l’application des dispositions relatives aux institutions représentatives du personnel. Cette règle sera applicable pour les CUI sous forme de contrat initiative-emploi ou de contrat d’accompagnement dans l’emploi (loi, art. 82 ; c. trav. art. L. 2301-1 nouveau). Elle s’appliquera pour le calcul des effectifs enregistrés dans les entreprises à compter du 1er janvier 2019.
Cette mesure vise, selon les pouvoirs publics, à mettre le droit français en conformité avec le droit européen. En effet, elle fait suite à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui avait jugé l’article L. 1111-3 du code du travail français contraire au droit de l’Union européenne en ce qu’il excluait du calcul de l’effectif les apprentis et les titulaires d’un contrat de professionnalisation ou d’un CUI (charte des droits fondamentaux et dir. 2012/14/CE du 11 mars 2002 sur l’information et la consultation des travailleurs ; CJUE 15 janvier 2014, aff. C-176/12).
La Cour de cassation s’était, par la suite, alignée sur la CJUE, tout en précisant qu’en raison de l’absence d’effet direct de la charte et de la directive, l’application de l’article L. 1111-3, bien que contraire au droit européen ne pouvait pas être écartée (sauf cas particulier) (cass. soc. 9 juillet 2014, n° 11-21609, BC V n° 193).
On notera à cet égard que dans un jugement du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a condamné l’État à verser à plusieurs syndicats une somme de 1 000 € pour sa carence dans la transposition de la directive européenne (TA Paris 17 juillet 2018, n° 1609631/3-1 ; disponible ici https://www.humanite.fr/sites/default/files/files/documents/ta_paris_contrats_aides_effectifs_170718.pdf sur le site de L’Humanité).
Toutefois, la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ne change la donne que partiellement car les apprentis et les salariés en contrat de professionnalisation resteront exclus des effectifs.
Ce faisant, le droit français en la matière ne sera que partiellement conforme avec le droit européen, à s’en tenir à la position exprimée par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi (http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl0904-ace.pdf ; p. 22).
Notons enfin que la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 1er août, est, depuis le 4 août, en cours d’examen par le Conseil constitutionnel. Compte tenu du délai d’un mois dont dispose le Conseil pour se prononcer, l’issue du recours sera connue d’ici la rentrée, après quoi la loi pourra être publiée au Journal officiel, amputée le cas échéant des dispositions retoquées.
Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (art. 82), adoptée par l’Assemblée Nationale le 1er août 2018 ; http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta/tap0167.pdf