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Quel délai de prescription quand l'employeur n'a pas suffisamment cotisé au régime de retraite complémentaire ?
01/09/2018
L’action du salarié visant à obtenir la régularisation de sa situation auprès des organismes de retraite complémentaire lorsque l’employeur n’a pas suffisamment cotisé est soumise à la prescription de droit commun. Surtout, ce délai de prescription court à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite.
Litige sur la base de calcul des cotisations patronales de retraite complémentaire. - Deux arrêts du 11 juillet 2018 permettent à la Cour de cassation de rappeler les règles de prescription applicables aux salariés et aux employeurs dans les contentieux portant sur des questions de retraite complémentaire.
Il s’agissait de deux affaires distinctes, mais portant sur des faits quasiment identiques. Deux personnes nouvellement retraitées, qui avaient travaillé plusieurs années à l’étranger et qui avaient la qualité de cadre, reprochaient à leur ancien employeur de n’avoir pas suffisamment cotisé auprès des organismes de retraite complémentaire. En effet, selon les ex-salariés, l’employeur avait omis de prendre en considération, dans le salaire servant de base au calcul des cotisations, un certain nombre d’avantages en nature propres aux salariés expatriés.
Les deux retraités demandaient en conséquence à leur ancien employeur de régulariser leur situation auprès des organismes de retraite complémentaire et, à titre subsidiaire, de leur verser des dommages et intérêts.
La Cour d’appel de Versailles avait estimé qu’une telle action relevait de la prescription applicable aux salaires (5 ans à l’époque des faits) et en avait déduit que la demande était tardive, donc irrecevable. En revanche, la Cour d’appel de Paris avait fait application de la prescription de droit commun (30 ans à l’époque des faits) et jugé que la demande était recevable.
Application de la prescription de droit commun. - La Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles et confirme celui de la Cour d’appel de Paris. En effet, l’obligation pour l’employeur de régler les cotisations à un régime de retraite complémentaire est soumise à la prescription de droit commun. Précisons qu’il en est de même de l’obligation de l’employeur d’affilier son personnel à un régime de retraite (cass. soc. 11 février 2015, n° 13-21089 D).
L’application de la prescription sur les salaires aurait été justifiée si le salarié avait réclamé le paiement de salaires, par exemple à la suite de la requalification de plusieurs CDD en CDI et, par la même occasion, demandé le versement des cotisations patronales de retraite complémentaire correspondantes (cass. soc. 22 octobre 2014, n° 13-16936, BC V n° 250).
Cependant, dans ces deux affaires, les salaires avaient bien été versés. Le litige portait exclusivement sur l’assiette des cotisations patronales.
Des solutions à relativiser compte tenu de la réduction des délais de prescription. - Si les principes dégagés par la Cour cassation demeurent applicables, leur portée pratique est aujourd’hui limitée.
En effet, la loi du 17 juin 2008 a ramené le délai de prescription de droit commun de 30 à 5 ans (loi 2008-561 du 17 juin 2008, art. 1, JO du 18 ; c. civ. art. 2224). Puis la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a soumis à un délai de prescription de 2 ans toute action relative à l’exécution du contrat de travail (loi 2013-504 du 14 juin 2013, art. 21, JO du 16 ; c. trav. art. L. 1471-1). À notre sens, les actions consécutives à un défaut d’affiliation ou à un défaut de règlement des cotisations sont donc aujourd’hui soumises à ce délai de 2 ans, car il s’agit d’actions en responsabilité contractuelle.
Par ailleurs, la prescription applicable aux salaires est passée de 5 à 3 ans (loi 2013-504 du 14 juin 2013, art. 21, JO du 16 ; c. trav. art. L. 3245-1).
S’il y avait auparavant un fort contraste entre la prescription de droit commun et celle sur les salaires (30 ans/5 ans), le rapport s’est depuis inversé et, surtout, l’écart s’est considérablement résorbé (2 ans/3 ans).
Enfin, et en tout état de cause, c’est moins la durée de la prescription qui importe que son point de départ.
La liquidation des droits à la retraite, point de départ de la prescription. - Dans chacun des deux arrêts du 11 juillet 2018, la Cour de cassation précise que la créance dépend d’éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire.
Par conséquent, la prescription ne court qu’à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite.
Cette règle, qui n’est pas nouvelle (cass. soc. 26 avril 2006, n° 03-47525, BC V n° 146 ; cass. soc. 19 juin 2013, n° 12-13684 D), montre donc que le salarié a finalement peu de chances de se faire « piéger » par la prescription, même si celle-ci s’est considérablement raccourcie ces dernières années.
À lui d’être vigilant au moment du départ en retraite et de réagir dans les temps...
Cass. soc. 11 juillet 2018, nos 16-20029 et 17-12605 FPPB