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Principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi : des motifs d'ordre affectif peuvent y déroger !
01/04/2021
« Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / Le changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret ".
[…] Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.
[…] Il ressort des pièces du dossier que M. A... D..., né le 11 septembre 1974 de père inconnu, a été élevé jusqu'à l'âge de sept ans par ses grands-parents maternels et a porté jusqu'à l'âge de douze ans le nom de sa mère, Mme E... C..., qui a obtenu sa garde en 1981. Mme C... a épousé M. B... D... en 1986. Ce dernier a reconnu le fils de celle-ci, lequel s'est vu alors attribuer le nom de D.... M. A... D... a entretenu avec M. B... D... des relations conflictuelles. Le 7 septembre 1990, le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Chartres a décidé le placement de M. A... D... auprès du service de l'aide sociale à l'enfance de l'Eure-et-Loir, puis son retour chez ses grands-parents maternels, chez lesquels il a vécu jusqu'à sa majorité. Depuis 1990, M. B... D... n'a plus participé à son éducation, subvenu à son entretien, ni eu de contact avec lui. L'ensemble des circonstances de l'espèce sont de nature à caractériser l'intérêt légitime requis pour changer de nom. Par suite, en lui déniant un tel intérêt, le garde des sceaux, ministre de la justice, a fait une inexacte application des dispositions de l'article 61 du code civil.
[…] Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de l'autoriser à prendre le nom de C....».
Concrètement, le Conseil d'État estime que des relations conflictuelles d’un enfant avec sa mère, suivies d'un abandon par son père, constituent un intérêt légitime à changer de nom ; au profit du nom des proches qui n’ont cessés de s’occuper de lui.
CE, 10 juin 2020, n° 419176